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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 16:33

Je suis sortie si épuisée de la période des fêtes que j'en étais presque soulagée d'aller, ce matin,  retrouver mon triste bureau : c'est dire, et c'en est étonnant, car rien ne justifie,  a priori, cette fatigue.

 

Certes, la maison s'est, au gré des allées et venues des uns et des autres, amplifiée puis rétrécie, pour de nouveau s'engrosser d'amis et de parents,  sans discontinuer,  et nous étions souvent nombreux à table. Mais enfin, il en est toujours ainsi, à Noël - et la fin de l'année 2014 n'a pas été exceptionnelle en ce sens. Cela me réjouit de recevoir les amis -qui viennent parfois de loin et bravent les routes d'hiver :  j'ai l'impression que la maison s'arrondit, se dilate, et que la chaleur qui y règne contribue aux sourires, comme les visages s'arrondissent dans les boules de noël..

 

Et puis j'aime faire à manger, servir des plats préparés avec soin, disposer de gaies assiettes sur les nappes blanches et rehausser le tout de la flamme des bougies. Je ne crois pas être coquette en ce qui concerne mon apparence, mais en apprêtant la maison, c'est un peu comme si je lui faisais endosser une tenue de soirée, comme pour une Dame sortant tard le soir et voulant être Chic.  Ces apprêts m'insufflent d'ailleurs  l'énergie nécessaire, et puis  la maîtrise de la cuisine, acquise au long de toutes ces années,  ma foi, me fait relever sans problème le défi de servir "tout mon monde", comme on disait autrefois.

 

Mais l'obscurité s'est resserrée à la fin de cette période :  quand, le 2 janvier, nous avons appris la mort du frère de Jim, à 62 ans,  qui laisse  derrière lui deux jeunes adultes entamant leurs études universitaires, la maman de 88 ans, la soeur handicapée mentale et enfin Jim, dans son Mouroir des Sapins. Que va-t-il advenir de la tutelle qu'assumait Gérard ? Comment cette famille si éprouvée va-t-elle affronter son avenir ? Quelle répercussions pour mon pauvre Jim, qui descend chaque jour un peu plus l'escalier en spirale de la déchéance ?

 

Et j'ai souvent  souvent éprouvé un sentiment d'impuissance ces jours derniers. J'écoutais ma grande soeur, et mon coeur se serrait pour elle, car elle exprime une certaine amertume dissimulée, par politesse du désespoir, sous la légéreté des rires et des jeux. Je ne crois pas avoir été d'une grande utilité pour elle...

 

Je n'ai pas non plus, à mon sens, su convaincre cette autre amie  d'aller chercher de l'aide, et pourtant, je ne peux  m'empêcher de penser qu'elle en a grand'besoin. Elle est âgée de 74 ans, et sans rien vous révéler de ses confidences, je peux cependant vous la décrire comme une femme exaspérée, de cette sorte d'exaspération exaltée qui vous conduit souvent aux pires décisions. Je me suis contentée, faute de mieux et dans cette disponibilité restreinte, sans doute égoïste, qui me maintient "sur mes gardes" vis-à-vis d'elle (de peur d'intrusion),  de lui parler de "mon" Docteur Gheron, en lui proposant de m'entremettre Je ne crois pas l'avoir convaincue...

 

A la veille de ma reprise, une fois les fêtes finies, j'étais donc harassée - à cause de ce bain non seulement de réjouissances et de retrouvailles, mais surtout d'émotions et de sentiments. Et ce qui prédomine encore, c'est mon incapacité à apaiser les conflits et les souffrances dont mes proches témoignent. Je dois bien reconnaître que mon gros chien pataud fait plus de bien aux autres que toutes mes savantes analyses psychologiques : il lui suffit, du regard, de donner toute l'affection dont son coeur de chien est capable pour rassurer l'autre. Il est meilleur que tous les analystes, à mon sens !

 

C'était donc exténuée qu'hier, j'ai fait le choix de re-re-voir "le secret de  Brokebak Mountain" - un de mes films préférés. Ce n'est pas que j'encense Ang Lee, son réalisateur : je n'ai pas aimé "in the mood for love", pourtant couronné par la critique. Ce n'est pas non plus parce que le sujet du "secret de BM"  - la description de l'homosexualité dans un milieu social d'une intolérance particulièrement mortifère - a des résonances pour moi. Non, c'est justement à cause de la gageure du travail d'Ang Lee.

 

Car la manière dont ce réalisateur rend compte des émotions est rien moins que paradoxale : il décrit des personnages en proie à des sentiments dont ils n'ont pas le droit de faire part. Même plus : qu'ils ne peuvent communiquer, car ils n'ont pas le langage correspondant ! Ang Lee multiplie les gros plans de visages - mais ces visages sont "inexpressifs", si l'on songe à  nos codes d'expression, et ne rendent pas compte des émotions des héros. Le spectateur est donc lui aussi plongé dans une sorte d'inquiétude, puisque les codes habituels (mimiques  à la mode de l'"actor studio", reflétant toute une palette d'émotions codifiées) ne sont pas à sa disposition... Comment Ang Lee fait-il alors, pour transmettre toute la charge émotionnelle contenue là ?

 

Il s'appuie sur ce que chaque spectateur a de commun avec ses héros : et c'est ce qui fait qu'une hétérosexuelle comme moi peut si complètement s'identifier au drame qui lui est raconté là. Les deux cow-boys n'ont même pas les mots, encore moins les gestes ou les attitudes, pour qualifier ce qui leur arrive : alors le transfert s'opère avec ce qui les entoure. Leur amour est d'une pure beauté, d'une essence emplie de spiritualité et de sensibilité - nous ne le saurons que grâce aux montagnes qui  lui servent de cadre, et qui sont les seuls éléments "sublimes" de ces existences rabougries sous le conformisme... Montagnes qu'il leur faudra bien entendu gravir et gravir encore, y "retourner" - car elles sont le seul langage possible pour cet amour-là.

 

Quant à la solitude et la pauvreté d'Ennis del Mar, Ang Lee, là encore, détourne le code. On ne le voit  jamais particulièrement malheureux -mais ses maisons successives sont de plus en plus isolées, et le bruit du vent qui les assaille devient de plus en plus prégnant. Ce vent qui hurle et pleure est encore une trouvaille du réalisateur, à mon sens, parce qu'on y puise une explication bien plus forte que n'importe quelle "déclaration"...

 

J'admire tant ce film que je lui ai attribué, hier au soir, l'explication de ma fatigue des fêtes -et des défaites que j'ai donc essuyées ces derniers jours : peut-être, au lieu de mes mots inutiles, m'aurait-il suffi de multiplier les flammes des bougies disposées sur les tables, pour adoucir les peines et raviver l'espoir de mes proches ?

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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 10:33

C'est la nuit, et je veux échapper à certaines pensées oppressantes. Donc ouvrir un livre  - sans réveiller personne dans la maison endormie - ce qui n'est pas si simple qu'il n'y paraît, et ne s'opérait pas, avant, sans une certaine culpabilité, soulignée par les soupirs de Clopin...

 

Mais c'était avant.

 

Car il me suffit, désormais, d'ouvrir ma liseuse : une lumière s'en échappe, et me voici très exactement comme Ali Baba ouvrant un coffre dans la grotte obscure des quarante voleurs. J'ai l'impression que mon visage, penchée vers la source de lumière, reflète le même type de convoitise que je discernais, jadis, sur le visage d'Ali, tel qu'il était dessiné dans  mon livre de contes. Sauf que ce ne sont pas les pierres précieuses et l'or qui étincellent et me nimbent de richesse, mais les mots des livres que je lis, ou  que je relis. 

 

L'important est dans la convoitise, que je retrouve intacte, comme à  huit ans.

 

Les livres, qui m'auront  accompagnée toute ma vie, et que je peux donc espérer continuer de fréquenter, contenaient donc aussi mon enfance : quelle féerie - et quelle lanterne magique que cette liseuse...

 

 

 

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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 09:26

C'est avec un sentiment de satisfaction sans nuages que je suis allée, hier, chez le coiffeur. Je n'y avais pas pensé, mais ma liseuse est le meilleur atout que j'ai jamais eu pour affronter l'épreuve !

 

Ah oui, peut-être expliquer pourquoi le salon de coiffure est, pour moi, un endroit fort douloureux. Il n'en a pas toujours été ainsi : petite, j'y accompagnais ma mère qui venait, trois ou quatre fois l'an, s'y faire faire une "permanente". J'avais pour mission de regarder comment les coiffeuses plaçaient les bigoudis : et nous tentions, mes soeurs et moi, de reproduire la manoeuvre à la maison...

 

C'était une mission d'importance : je l'accomplissais donc avec fierté, et j'aimais bien le salon de coiffure  :  la moiteur de l'air ambiant, le piquant du parfum des bombes de laque et les cheveux coupés, au sol, comme autant de feuilles d'automne.

 

Mais à l'aube de mes huit ans, ma mère décida que c'en était fini de la corvée quotidienne de démêlage de mes longs cheveux, et j'eus droit à ma première coupe, qui fit surgir le garçon, ou plutôt la copie de mes frères, en moi. Bien dégagée derrière les oreilles, méchée sur le front,  j'étais désormais munie d'une sorte de petit casque brun surmontant les "lunettes sécurité sociale", à la monture plastique, d'un transparent rose qui évoquait à la fois les méduses et les chemises de nuit en pilou.

 

J'en voulus aux coiffeuses, puis au monde entier, mais l'apitoiement sur soi-même ne mène jamais bien loin. Je crois d'ailleurs que, légitime ou non, le sentiment de la laideur physique n'est souvent qu'une couverture. Dans mon cas, c'était une tentative d'explication : si je me disais que j'étais laide, c'était surtout pour excuser "les autres" de ne pas m'aimer... Bref.

 

En tout cas, dès que je fus maîtresse de moi-même,je ne mis plus les pieds, sauf exception, dans les salons de coiffure. Tout m'y était devenu rébarbatif, et d'abord, évidemment, le catastrophique tête-à-tête avec les miroirs. Me contempler pendant plus de cinq minutes était une épreuve ! Et les journaux qui sont mis à la disposition de la clientèle féminine, chez les coiffeurs,  étaient si affligeants, me semblaient constituer une telle insulte à l'intelligence, qu'ils ne pouvaient guère m'être d'un quelconque secours.

 

Le temps passa, évidemment, et j'arrivais tant bien que mal à composer avec moi-même   nous en sommes tous là. Pour échapper aux cheveux blancs, je repris, comme ma mère en son temps, le chemin du salon de coiffure. Mais je prenais  mes précautions, bravant le qu'en dira-t-on et les regards en biais : j'emportais désormais mes propres lectures...

 

Car ce n'était pas trop bien vu de "laisser faire" la coiffeuse sans se plonger dans les miroirs flatteurs,  et je comprenais bien pourquoi : je me démarquais ainsi du mythe commun , à savoir que le salon de coiffure est un endroit dédié, sur cette planète, à une féminité heureuse et tournée vers elle-même, dans un égocentrisme enfin légitimé. Je me souviens d'ailleurs d'un coup de téléphone de Clopin, un jour, me demandant de passer, au sortir du salon, à "Espace Emeraude". Après un instant de silence outré, une des clientes avait fait remarquer que, pour elle, "se faire déranger" ainsi pendant la séance était inenvisageable. Sa pitié à mon égard m'avait amusée - moi qui n'étais dans cet endroit que par pure nécessité, et dans le déplaisir !

 

En tout cas, je dois aller, désormais, très régulièrement au salon de coiffure - je n'y avais pas pensé, mais ma liseuse est absolument parfaite pour cette circonstance. Bien moins visible qu'un livre, ressemblant à une tablette d'où l'on peut suivre les plus imbéciles des médias, elle me planque parfaitement, comme les pots de géranium de Vercors...

 

J'ai donc subi, hier, l'habituelle coloration (le "régé" est le terme convenu), puis le shampoing, la coupe et le "brushing", aussi tranquille que si j'étais dans mon lit : je lisais en douce  le savoureux ouvrage de Boucheron, "l'histoire au conditionnel", et laissais faire les mains adroites qui prenaient soin de ma chevelure...

 

Je crois que je vais avoir du mal, désormais, à quitter ma liseuse : nous sommes faites l'une pour l'autre !

 

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27 décembre 2014 6 27 /12 /décembre /2014 15:54

Ca y est : j'ai commencé à apprivoiser le fauve, je veux dire ma liseuse Kobo aura H2O (comme la flotte, dont elle est censée supporter le contact). Cela m'a coûté cependant pas moins de quatre coups de téléphone  à l'assistance FNAC, que j'ai donc testée aussi. Les employés sont d'une patience angélique, tentent de s'exprimer en français du mieux qu'ils le peuvent - malgré leurs accents à couper au couteau, et sont visiblement tenus aux courbettes du style "c'était un plaisir de vous assister", même quand l'échange s'est révélé rugueux....

 

Que pourrais-je conseiller à ceux et celles qui veulent tenter le coup ? Eh bien, de mesurer d'abord leur détermination, car il en faut ! 

 

La mienne était sans faille - car la liseuse est désormais ma seule garantie de poursuite de ma carrière de lectrice. Or, je n'imagine pas une seule seconde un monde sans livres, et je tremblais de devoir recourir aux "livres lus à voix haute" proposés aux mal-voyants.

 

La Kobo, en ce sens, répond parfaitement à mes besoins. Sa luminosité est telle, alliée à une réelle douceur, que les lettres ont enfin arrêté de trembler et de se dérober à mes yeux défaillants. Je me sens, sur ce point, comme une alpiniste tirée d'une crevasse, une nageuse en perdition repêchée in extremis ou une parachutiste dont le mécanisme consent enfin à s'ouvrir, à quelques mètres du sol... Je suis la Boudu sauvée des Mots, en quelque sorte.

 

Ceci dit, tout le reste est pénible. Je passe sur ce que n'importe quel internaute néophyte a dû déjà affronter : un monde inconnu qui ne s'ouvre qu'à l'aide d'un vocabulaire tout aussi inconnu. Malheur à qui les mots "plate-forme de téléchargement, applications, port USB, synchronisation, wi-fi ou code html" ne disent pas grand'chose... Malheur aussi à qui ne maîtrise pas le sabir franco-anglais qui qualifie, par exemple,  de "e-books" les livres numérisés et disponibles sur internet - tout ici sera hérissé de pièges pour lui.

 

Un exemple concret ? Eh bien, si vous voulez inclure dans la bibliothèque de votre liseuse un livre qui n'existe pas au catalogue Kobo  de la FNAC (comme la correspondance de Flaubert), vous pouvez y arriver, si si si.

 

Il vous suffit de télécharger une application (gratuite) qui convertira le livre trouvé sur internet au format accepté par Kobo. Deux logiciels  existent : l'officiel préconisé par la FNAC, lourd, malcommode,qui s'appelle "adobe digital editor" (eh oui, soupir, du sabir... Je vous avais prévenu.) L'autre, que tu trouves en farfouillant sur internet pour savoir si tu es la seule à merder, s'appelle "calibres"  : je ne l'ai pas encore installé, mais ça ne saurait tarder, parce qu'adobe machin, là....Pfff...

 

Ton guide d'utilisation t'explique bien, pas à pas, comment l'installer, MAIS ! Si tu choisis l'option "en français" du site "adobe digital editor", tu ne pourras pas télécharger l'application : l'onglet "téléchargement" n'apparaît que sur l'option "en anglais", celle justement que tes faibles connaissances de la langue de Shakespeare t'avaient fait rejeter. Rigolo, non ?

 

Un peu moins rigolo au bout d'un quart d'heure de recherche, certes...

 

Néanmoins, je tiens à rassurer tout le monde : grâce aux aimables esclaves assistants  aux forts accents étrangers, abondamment sous-payés   par la FNAC et qui n'ont pas le droit, les pauvres, de t'envoyer balader, tu arriveras à configurer ta liseuse et à comprendre comment télécharger les livres (gratuits et/ou payants) que tu souhaites inclure dans ta bibliothèque. Tu auras même un petit pincement de fierté quand, toute seule comme une grande (je déconseille formellement d'inclure le compagnon ou un proche quelconque  dans la configuration du nouveau joujou, c'est un truc à se faire la gueule pendant des jours), tu commenceras à lire "ton premier e-book".

 

Et puis tu découvriras le reste. Le commerce, quoi. Car les inventeurs des liseuses ont une particularité : ils se tamponnent le coquillard de la littérature, à un point rarement égalé. Si la liseuse servait à éplucher les carottes au lieu de permettre l'accès aux livres, ce serait la même. Il s'agit AVANT TOUT de vendre. La finalité de la liseuse ? On s'en fout, vous dis-je... Ainsi, si tu cliques sur une page "Kobo" un peu au hasard, tu seras automatiquement dirigée vers des sites "price-minister" ou autres officines commerciales. Et pour t'allécher, on te propose à tous les coins de rue de t'indiquer "les nouveautés Harlequin", censées être les plus alléchantes marchandises littéraires du moment, à côté de l'inévitable Zemmour (et je sens que ma liseuse ne me permettra pas d'échapper au marketing houellebecquien qui se prépare, soupir.) ou de la garce Valérie T.

 

Ce marketing infernal s'adapte d'ailleurs très rapidement à ta "personnalité de lectrice", via les "livres recommandés". En voilà une jolie trouvaille... Dont, perso, je n'ai que foutre, mais enfin... C'est encore un petit génie qui a bricolé ça. En fonction de tes premiers choix de livres,  "on" (enfin, le robot programmé pour) va t'en proposer d'autres, censés "te correspondre". Ainsi, mes premiers téléchargements de Flaubert ont incité ma liseuse à me proposer de "découvrir la recherche du temps perdu", au prix minime de 14 euros quatre-vingt dix...

 

C'est le prix à payer, semble-t-il, pour accéder à une lecture s'appuyant sur de forts ingénieuses technologies. On te demande d'abdiquer une certaine forme de liberté... Ainsi, les "assistants" insistent lourdement pour connecter ta liseuse à internet via la wi-fi. Les téléchargements seraient raccourcis, l'autonomie de l'appareil serait ainsi mieux mise en valeur,  la capacité de stockage serait plus mieux géniale, etc.

 

Certes. Mais tu aurais alors à affronter ce qui, pour quelqu'un comme moi, est l'horreur absolue : à savoir les claviers tactiles. Les mêmes que ceux des i-phones, i-pad, tablettes et portables que tout un chacun doit absolument posséder, pour être "connecté à son temps", et que tu as toujours refusés, pour la bonne et simple raison que tu as appris la dactylographie "à l'ancienne", sur un clavier azerty muni d'un cache . Ainsi, tu tapes sans regarder tes doigts, ce qu'il est impossible de faire sur les minuscules emplacements tactiles des minuscules écrans. Pour écrire "adobe digital editor" (je ne parle même pas des "oeuvres complètes de Victor Hugo"), je mets environ deux secondes sur mon azerty basique. Je dois par contre, m'y reprendre à dix reprises, tâtonner, me gourer d'emplacement, ne pas trouver les accents, ni les signes typographiques comme les guillemets, les astérisques, les virgules, qui n'existent qu'en "seconde page" , m'embrouiller  et refaire à chaque fois tout le chemin depuis la page d'accueil, sur le clavier "virtuel" et tactile... Résultat : je mets environ vingt à trente fois plus de temps en tactile qu'en dactylographie classique.

 

La solution est bien entendu de refuser (sauf cas d'extrême nécessité) la wi-fi. Ta tablette tactile t'emmènera d'un tapotement ou deux à tes livres,  mais ce sera sur ton ordi de base, à l'aide de ton bon vieux clavier, que tu chercheras , trouveras  et téléchargeras les livres désirés...

 

Clopin, résigné, me trouve bien entendu "inadaptée" (c'est le contraire qui l'eût étonné) : je suis, m'a-t-il expliqué, une sorte de dinosaure égaré au pays des types branchés, smartphonés, tweetés, facebookés, bref "connectés", les seuls qui intéressent la Fnac  en quelque sorte. Ceux qui tapent à toute berzingue, à l'aide de leurs deux seuls pouces préhensibles,  sur le clavier tactile de leur portable...  Si je crois que mon profil peut intéresser un seul fabricant de liseuse, je me fourre le doigt dans l'oeil pire que sur la case tactile d'à côté de la lettre désirée.

 

Moi, je trouve que je fais de la Résistance. Certes, les nouvelles technologies sont absolument fascinantes (ma liseuse va me permettre de transporter l'équivalent de milliers de livres, dans un objet au poids similaire à celui d'un étui à cigarettes), mais je ne plierai pas : je trouverai le moyen de les adapter à ce que je suis. Et non l'inverse, nom de Zeus !!!

 

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21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 10:03

Léonard de Vinci, si j'en crois mes lectures ici ou là (ah ! Boucheron !!!)  n'a jamais livré son travail à son commanditaire. Il a gardé sa Joconde, et l'a trimballée partout avec lui, jusqu'à "mourir sous ses yeux", dans la pièce où elle était accrochée, au Clos Lucé d'Amboise...

 

Flaubert, si j'en crois sa "correspondance", ne supportait pas l'idée que quiconque s'empare de sa Salammbô pour lui prêter des traits - dessins, divagations diverses, adaptations théâtrales - qui auraient dévié de son Aphrodite orientale "à lui" : dans ses lettres,  il se démène, tempête, bref n'arrive pas à se résigner à devoir la partager...

 

Ce qui est pourtant le sort commun, et même est censé être une des motivations, de tout créateur, grand ou petit, se jouant des étoiles ou maniant la gadoue : le partage.  L'oeuvre ne commençant à exister que lorsqu'autrui s'en empare.

 

Longtemps, j'ai adopté cette attitude. J'appelais de mes voeux un lecteur, même  un seul, et qui m'aurait suffi, pardieu, pour "justifier" mes pitoyables peut-être, mais néanmoins résolues tentatives. Et je me refusais à taxer d'égoïsme cette démarche, chancelante peut-être, clopinante sans aucun doute, qui me poussait et me pousse encore à triturer les mots, comme l'enfant triture la pâte à modeler (en un ersatz de quoi, grands dieux !)

 

Et pourtant : il s'agit bien de faire sortir de soi ce qui en est le fondement même. De déposer soigneusement, sur la table de travail, devant soi,  comme autant de petites briques, les éléments de sa propre  appréhension du monde. La sensibilité, l'émotion, la colère ou la résignation, mais réduits à l'expérience toute pratique : autant d'éléments sortis tout chauds de soi, et qu'il convient de considérer avec le froid recul de l'architecte, avant de les combiner.Qu'il en sorte le Taj Mahal ou l'HLM  de la ZUP d'à côté, , ou pire, "l'entre-deux", le petit pavillon de banlieue si commun de nos jours chez les littérateurs, c'est une autre histoire, n'est-ce pas ?

 

En ce sens, on peut parfaitement comprendre le sentiment qui pousse à vouloir échapper à toute perquisition. L'oeuvre devient son "chez-soi", et quiconque la regarde sans tendresse la viole aussi éhontément que le cambrioleur qui va jusqu'à briser la tirelire du petit enfant, pour tenter d'y trouver quelques sous...

 

Et puisque nous sommes toujours devant nous-mêmes comme devant un miroir, autant n'y tolérer qu'un seul reflet : le nôtre.

 

Noli me tangere.

 

Puisque nous sommes.

 

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 10:29

J'ai reçu, en cadeau, le dvd d'un film "culte", rare et confidentiel, qui visiblement a tant marqué ceux qui, à l'époque (en 1980) ont eu la chance de le découvrir  qu'une réédition vient de voir le jour. Il s'agit de "Qui chante là-bas ?" du serbe  Slobodan Sijan.

 

Une simple recherche vous convaincra, j'en suis sûre, de la valeur infinie de ce "petit" film (qui se passe à la veille de l'invasion allemande en Serbie, en 1941) ; la construction en est classique, l'humour omniprésent, la cruauté aussi - il possède un charme fou.

 

Mais si je souhaite en parler sur ce blog, c'est à cause des références que les critiques lui ont associées : Bunuel (pour la satire de la société) ou même Ford (pour le déroulé en "voyage").

 

Or, moi, c'est à une nouvelle de Maupassant que "qui chante là-bas" m'a instantanément renvoyée. Plus précisément "Boule de Suif". Vous vous souvenez ? On est sur fond de guerre de 1870, et dans une vieille "patache", des voyageurs civils ont pris place. Voyageurs "représentatifs" de toute la lâcheté, la veulerie, de la société décrite, et prêts à toutes les comprommissions. Parmi eux, une réprouvée, une "fille de joie" qui sera tour à tour rejetée puis acceptée, suivant leurs besoins, par ses co-voyageurs. Cette "Boule de Suif" se révèle évidemment la seule vraie patriote du petit groupe. Et pourtant, elle devra, pour permettre à ses compagnons de poursuivre leur voyage, se donner aux allemands... Et ne recevra, en guise de remerciements, que le mépris de ceux-là mêmes pour qui elle s'était faite violence...

 

"Qui chante là-bas" possède exactement la même trame dramatique que Boule de Suif, la même cruauté, le même humour - seule la fin est bien plus radicale, nazisme aidant. Il suffit de remplacer la prostituée par deux tsiganes (tout aussi réprouvés !), qui, eux aussi, seront en définitive les pourvoyeurs de légèreté (sublime scène où les voyageurs se mettent à danser sur la musique du musicien tsigane) et les rassembleurs d'humanité...

 

A mon humble avis, Qui chante là-bas possède donc toutes les qualités des chefs d'oeuvre intemporels, et plutôt que de parler de la Chevauchée Fantastique (!?), il conviendrait bien mieux de convoquer Tchekhov... et Maupassant !

 

 

 

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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 08:53

Deux lectures croisées, du fond de mon lit (que faire d'autre, en décembre, que de s'adosser aux coussins, remonter le chat le long de son flanc, ajuster la lumière et ouvrir un livre ?) . Salvayre, en premier, avec qui  j'apprends à ne pas pleurer, et dont le travail littéraire me renvoie curieusement... à Céline ! Heureusement que je dis ça ici, et non chez Assouline : je me ferais écharper, là-bas ; d'ailleurs, je vais peut-être me faire écharper quand même...

 

Ce que je veux dire, c'est que dans "pas pleurer", Salvayre reconstitue le sabir de sa mère - mélange de castillan et de français du sud, mais en le "tordant" pour arriver à ses fins. Un peu comme Céline tordant le parler parisien pour donner l'illusion d'une écriture spontanée, alors qu'on ne peut rêver construction plus écrite. Salvayre réussit le même tour de force, en se mettant en scène à l'intérieur même des récits maternels. Elle "réagit" aux paroles de la mère, soulignant l'humour invonlontaire de certaines tournures, se dédoublant, devenant à la fois l'un des personnages du récit mais aussi le lecteur du livre. Elle l'avait déjà fait dans "WG" - c'est un travail littéraire remarquable et troublant. Certes, on pourrait parler de "procédé", mais alors, il faudrait employer aussi ce terme pour Céline, non ?

 

L'autre lecture du jour dernier , c'est le petit numéro spécial de Charlie sur "l'histoire du petit Jésus". Comme ils l'ont fait pour le Coran, les Charlie illustrent au pied de la lettre les récits bibliques, et c'est tordant, évidemment : comment croire à de pareilles fariboles ? Il est vrai que le besoin de croire est plus fort que toute invraisemblance...

 

A part ça, je procrastine un max. Dans tous les domaines : ma nouvelle est bloquée au feu rouge de ma volonté, ma carte d'abonnement annuel à la piscine municipale se terre, humiliée et inutile depuis des semaines et des semaines, dans les replis de mon portefeuille, et je dérushe, oh,  mollement n'est-ce pas,  le documentaire de Clopin. Quand je veux avoir honte, je regarde Clopin, qui court partout et a entrepris une sorte de "rangement général de tout". Et puis, une fois que je l'ai bien regardé se démener, je retourne... Caresser le chat... C'est fou ce que la honte est absente des univers félins. C'en est, comment dire ? Réconfortant, voilà.

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 09:45

Certes,  le mois de novembre n'est pas le meilleur moment pour pousser la porte de la longère aux volets bleus, posée derrière ses haies dans les champs brayons, et se promener dehors. Si le jardin déclare encore femement  sa vocation potagère, et qu'il  "donne" encore tout ce qu'il peut  avant l'hiver,  il a définitivement perdu sa splendeur pleine de sève du printemps et de l'été, et arbore une triste mine... Les grandes tiges des tournesols se dressent encore, mais elles sont désolées, flanquées de leurs feuilles fanées et pendantes comme des oreilles de cokers déprimés. Les bettes alignent toujours  leur feuillage, d'un vert vernissé,  au-dessus du blanc comestible de leurs côtes, mais leurs  feuilles sont remplies de trous, et se recroquevillent, mangées qu'elles sont, sur leur pourtour, par le pourrissement humide de l'automne... Tout le jardin vire  à l'ocre, au marron,  et  les différentes plantes  se penchent  vers la terre sombre et humide, comme épuisées : on dirait des petites vieilles au cimetière,  rêvant sombrement, devant les pierres dressées,  au repos éternel.

 

Les champs ne vont guère mieux. La terre commence à se voir, par endroits, et tourne à la glaise, qui colle lourdement aux pieds des marcheurs, dans le pré du bas  - les ânes, qui continuent à "prendre des bains" en se roulant par terre, transportent sur leurs poils des mottes grises ; et  l'on ne voit plus,  sur les haies et les alignements d'arbres, le gai mouvement des feuilles remuées de vent, mais bien plutôt, hélas, le glissement des feuilles jaunies par terre : comme un strip-tease d'arbres, qui dévoilent tristement leurs maigres branches noircies, comme autant d'os se détachant sur le ciel...

 

Ce serait parfaitement déprimant, je trouve, mais heureusement, nous étions dimanche quand nous sommes allés "faire un tour dehors", avec  nos amis parisiens . Un dimanche de novembre, commencé dans la brume, certes, mais qui s'est  réchauffé peu à peu, jusqu'à devenir parfaitement réjouissant  - comme si, sortant de la maison tiède et ronronnante, nous levant d'une table où les récits, les paroles et les projets avaient fusés, comme des petits pains chauds qui auraient circulé des mains d'un convive à l'autre, nous avions répandu notre propre chaleur dans l'humide automne du pays de Bray... Il s'agissait de rentrer les moutons - et si vous voulez passer un moment désopilant, vous n'avez qu'à aligner, dans un pré, une poignée de moutons d'un côté, et quelques Parisiens de l'autre, avec pour consigne que les seconds barrent le passage aux  premiers. C'était si plaisant qu'on aurait bien continué le match, mais hélas, Clopin avait attrapé du premier coup le mâle qu'il souhaitait enfermer...  N'empêche que j'ai gardé dans l'oeil la silouhette d'un grand Jacques, par exemple, battant des bras et s'amusant visiblement de toute la scène, pendant que notre amie Patricia  (une brayonne d'origine, elle, même si désormais elle mène  une vie toute parisienne...) sautait sur place comme un kangourou, , pour me raconter que, petite, elle avait peur des boeufs qu'elle devait pourtant rabattre ainsi, sans se laisser intimider, car aux champs c'est l'être humain qui est le maître, et les bêtes sont, doivent être, "domestiques"' !

 

La journée s'est déroulée gaiement, et tout le week-end, d'ailleurs, s'est coloré de sourires. Allons, l'hiver peut bien venir, les mois noirs peuvent bien s'égrener lentement derrière les vitres obscurcies  :  les dimanches beaubecquois, même au milieu du dépérissement hivernal du monde végétal, trouveront bien le moyen d'être éclairés de l'intérieur,  par une chaleur peut-être modeste, certes, mais vivace et...  lumineuse !

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19 novembre 2014 3 19 /11 /novembre /2014 09:59

Parmi toutes mes mauvaises nuits (et j'en ai passé quelques-unes, en 58 ans, nom de zeus !), les plus éprouvantes n'ont pas été seulement celles qui débordaient de larmes. Ces nuits-là , j'en connais bien la saveur insomniaque   : la dernière du nom s'est déroulée quand j'ai dû laisser mon chat, tendrement aimé,  lutter contre la mort, toute une nuit,  à la clinique vétérinaire. Je l'avais empoisonné par erreur, il avait toutes les chances d'y passer,  et mes larmes, comme l'océan pour Lady Macbeth, ne suffisaient pas à laver mes mains. Tout juste les emplissaient-elles d'un sel amer...  

 

Mais il est d'autres souffrances nocturnes que celles engendrées par le remords. Ce sont ces nuits hachées d'insomnie, où l'on se réveille, le temps d'allumer la petite lampe, pour vérifier l'heure. 3 heures du matin, puis 4 heures 30, puis 5...  Juste le temps de vérifier les chiffres, sur le cadran, puis on referme la lampe, on se tourne et retourne sur l'oreiller, on soupire un peu. Quand donc le sommeil va-t-il arriver ? Il vous prend par surprise, vous croyez somnoler et puis non, vous voilà en plein rêve - mais le hachoir à nuits est là, en parfait état de marche  : le rêve ne finira pas, parce qu'en sursaut, vous allez vous réveiller, reprendre péniblement conscience, et tendre la main vers la loupiote, pour apprendre qu'il est, qu'il n'est, que six heures moins le quart, que six heures douze, que sept heures dix...

 

Cette nuit, est-ce parce que Clopin, parti à Paris, n'était pas là  ? -  j'ai ainsi interrompu cinq ou six rêves d'affilée, comme autant de films où je serais partie avant la fin, comme autant de livres ouverts et non refermés. Je crois que cette forme d'insomnie est encore aggravée par ce goût d'inachevé qu'elle procure : finalement, les ai-je achetés, ou non, les chaussures de mon rêve, celles qui devaient me permettre de gravir l'Everest ? Et cet aquarium bizarre, qu'un marchand à voix de perroquet installait sur la place Brévière, allait-il se remplir de poissons ?  Et cette Université bâtie comme un palais des mille et une nuits,  où l'on m'acceptait enfin, malgré mon âge, en aurais-je franchi la porte, si j'avais pu finir de rêver à mon aise ?

 

Le Hachoir à nuits est redoutable : quand enfin l'aube vous permet de vous lever, et de passer à autre chose, c'est son tranchant qui pèse et enserre  votre front, ce sont ses reflets métalliques qui empoisonnent votre bouche et   ses coups répétés qui vous emplissent encore d'une fatigue lasse d'elle-même.

 


 

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17 novembre 2014 1 17 /11 /novembre /2014 17:05

Avez-vous remarqué qu'on ne peut parler du silence, sans du même coup le tuer  ?

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