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21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 10:03

Léonard de Vinci, si j'en crois mes lectures ici ou là (ah ! Boucheron !!!)  n'a jamais livré son travail à son commanditaire. Il a gardé sa Joconde, et l'a trimballée partout avec lui, jusqu'à "mourir sous ses yeux", dans la pièce où elle était accrochée, au Clos Lucé d'Amboise...

 

Flaubert, si j'en crois sa "correspondance", ne supportait pas l'idée que quiconque s'empare de sa Salammbô pour lui prêter des traits - dessins, divagations diverses, adaptations théâtrales - qui auraient dévié de son Aphrodite orientale "à lui" : dans ses lettres,  il se démène, tempête, bref n'arrive pas à se résigner à devoir la partager...

 

Ce qui est pourtant le sort commun, et même est censé être une des motivations, de tout créateur, grand ou petit, se jouant des étoiles ou maniant la gadoue : le partage.  L'oeuvre ne commençant à exister que lorsqu'autrui s'en empare.

 

Longtemps, j'ai adopté cette attitude. J'appelais de mes voeux un lecteur, même  un seul, et qui m'aurait suffi, pardieu, pour "justifier" mes pitoyables peut-être, mais néanmoins résolues tentatives. Et je me refusais à taxer d'égoïsme cette démarche, chancelante peut-être, clopinante sans aucun doute, qui me poussait et me pousse encore à triturer les mots, comme l'enfant triture la pâte à modeler (en un ersatz de quoi, grands dieux !)

 

Et pourtant : il s'agit bien de faire sortir de soi ce qui en est le fondement même. De déposer soigneusement, sur la table de travail, devant soi,  comme autant de petites briques, les éléments de sa propre  appréhension du monde. La sensibilité, l'émotion, la colère ou la résignation, mais réduits à l'expérience toute pratique : autant d'éléments sortis tout chauds de soi, et qu'il convient de considérer avec le froid recul de l'architecte, avant de les combiner.Qu'il en sorte le Taj Mahal ou l'HLM  de la ZUP d'à côté, , ou pire, "l'entre-deux", le petit pavillon de banlieue si commun de nos jours chez les littérateurs, c'est une autre histoire, n'est-ce pas ?

 

En ce sens, on peut parfaitement comprendre le sentiment qui pousse à vouloir échapper à toute perquisition. L'oeuvre devient son "chez-soi", et quiconque la regarde sans tendresse la viole aussi éhontément que le cambrioleur qui va jusqu'à briser la tirelire du petit enfant, pour tenter d'y trouver quelques sous...

 

Et puisque nous sommes toujours devant nous-mêmes comme devant un miroir, autant n'y tolérer qu'un seul reflet : le nôtre.

 

Noli me tangere.

 

Puisque nous sommes.

 

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