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2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 18:18

J'ai loupé le coche - pas tout-à-fait de ma faute, d'ailleurs, chez les Scryfouillards qui dimanche en huit proposaient un atelier écriture. J'ai loupé le coche, mais depuis j'ai des regrets. D'abord parce que les ateliers du scryf sont bien plus largement ouverts, comprennent moins de règles à la con, que beaucoup d'autres. Ensuite parce que le challenge réside aussi dans la rapidité... Mais justement, c'est ce délai trop court qui m'a handicapée. Pourtant, depuis, j'ai le regret persistant de ne pas avoir participé à l'atelier "en bateau" et "oh, la belle bleue !", à cause d'une de ces mauvaises petites idées qui me font divaguer. Tant pis, je m'en vais l'écrire ici même, ma petite idée, avant d'aller embêter les participants du scryf avec mes hors-délai...

zou ! 

 

BERCE JUSQU'AU FOND DU COEUR

 

Je me souviens encore  des premiers mots qu'il a prononcés à mon sujet : "Oh, qu'elle est belle, oh,  la belle bleue," s'est-il exclamé naïvement, pendant que son tuteur, un Mentor qui n'était pas encore vieux,  l'empêchait de courir sur la plage.  C'était absolument vrai : j'étais ce jour là, belle, et plus que belle, et bleue, plus que bleue.  Le petit homme qui  s'exclamait ainsi,  comme s'il me voyait pour la première fois alors que de tout temps, j'avais bercé son île natale de mes bras blancs, ne devait  pas avoir plus de quatre ans, certainement pas cinq en tout cas. Quel bel enfant c'était !  Droit et si fier, la main posée sur un tronc d'olivier, des boucles dorées  se détachant sur sa peau bronzée  et dardant son regard, bleu et vert et déjà intense, vers la plage blonde, et vers moi...  Mais il lui fallait rentrer au Palais, et il m'a regardée une dernière fois avec regret, avant d'obéir à son précepteur. 

Ah, je n'ai jamais oublié cette première fois. Maintenant  j'ai vieilli, et  vous les hommes, à force de vous multiplier sur mes rives, de me parcourir sans cesse et de fond en comble, de me jeter vos ordures à la face et de me racler de vos filets, m'avait prématurément vieillie, et salie... Mais à cette époque-là j'étais  d'une beauté étourdissante. Mais cet enfant, cela l'a pris si jeune, et il était si beau - j'ai tout de suite su qu'il y allait avoir, entre lui et moi, une de ses amours  qui font trembler l'univers. Je crois même, que, chez les hommes, un vieux poète a écrit notre histoire, à cet homme-là, et à moi. Je ne sais pas ce qu'il a dit, parce que je ne parle pas le langage des hommes... Sauf des rares qui sont devenus à jamais mes amants. Comme celui-là. 

Evidemment, il a passé son enfance à me courtiser. Pas de jour sans qu'il veuille me prendre, qu'il cabotine le long des côtes de son île, et à chaque fois, il voulait aller plus loin. Tous mes amants, sans exception, n'ont pu se contenter de mes plages et de mes côtes. Tous, sous des prétextes divers, l'exploration, le loisir, même la guerre, ont voulu connaître tous mes visages. Cet amant-là s'est embarqué dès qu'il l'a pu, et j'ai cru, oui j'ai cru que j'arriverais à le retenir... 

Il a si longtemps joué avec moi. IL était de première force, évidemment, dans l'art de la navigation, et je me faisais douce sous son gouvernail. Comme je l'ai aimé ! Il était à moi : il mentait aux autres, à son épouse, à ses guerriers, à ses alliés, invoquant d'invraisemblables aventures pour rester avec moi... J'étais seule à le connaître vraiment - du moins je le croyais. Car cet homme si indissolublement attaché à mes flots,à mes secrets et à mes merveilles, me trompait pourtant. Je croyais être seule dans son coeur - mais un soir, un beau soir où, paisiblement, je le berçais, j'ai vu qu'il pensait à une autre. Non, pas à une de ces femmes méprisables qui avaient beau se coire magiciennes ou déesses - alors qu'elles étaient aussi périssables que la moindre de mes sardines - mais à sa terre. Oui, ce bout de caillou que j'encerclais, que j'isolais, cette terre sèche et caillouteuse, ces quatres champs et ces trois villages : c'étaient eux qui lui manquaient, c'était pour eux qu'il me trahissait... Ah, ça, je vous prie de croire qu'il l'a payée cher, sa trahison, lui, cet homme "aux mille tours" qui avait su me séduire. Je l'ai secoué, épouvanté, tiré vers des gouffres, je me suis jouée de lui, à mon tour, comme d'un pantin, et quand je l'ai laissé enfin rejoindre sa Pénélope, et cette Ithaque que j'avais appris à haïr, les beaux cheveux drus d'Ulysse étaient tombés, sa peau était burinée et gardait la trace de mes doigts, et ses yeux bleu-vert ne s'ouvraient plus qu'à travers les fentes de la ruse. 

Voyez-vous, ce n'était que justice. Il était, c'est vrai, un des plus beaux amants que j'ai jamais eus, moi, la Méditerranée. Et je l'ai bercé, cet Ulysse si beau, jusqu'au fond de mon coeur... Mais c'est ainsi :  je n'ai jamais supportée qu'on me mène en bateau... "

 

 

 

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commentaires

C
<br /> " je n'ai jamais supportée qu'on me mène en bateau... "<br /> <br /> <br />   l'accord se fait avec le n' placé avant ! merci de me l'apprendre chuis nul de chez nul moi !<br />
C
<br /> extrait d'une discussion de café point philo du tout où j'aime aller me mélanger aux autres retraités , toutes catégories confondues ( beaucoup de Lepénistes malgré les 2,1 pc d'augmentation des<br /> retraites au premier avril )<br /> <br /> <br /> _ Salut Prof ! ( faut dire qu'on m'y appelle prof , ce qui sert parfois d'excuse à Roger, excuse pour sa bobonne , comme il aime dire ; " je lui dirai qu'il y a même un prof au bistro donc<br /> quelqu"un de bien , elle arrêtera de me dire d'arrêter le bistro , là c'était au début " )<br /> <br /> <br /> moi : Salut ! (en serrant les mains à n'en plus prise de pouvoir puis de biser la patronne qui est d'ailleurs mignonne , sissi )<br /> <br /> <br /> _ ( Roger en fait ) ça va , prof ?<br /> <br /> <br /> moi : oui !<br /> <br /> <br /> _ Roger : vous buvez un café ? je vous l'offre !<br /> <br /> <br /> moi : oui !<br /> <br /> <br /> _ Roger : moi ce sera la chopine comme hier !<br /> <br /> <br /> et moi , emporté par un gros besoin en bon intello un peu intellichiant :"  moi j'en reste à Clopine !"<br /> <br /> <br /> _ Roger : ça se boit ?<br /> <br /> <br /> moi : non non ! ( et de tenter le grand sot : ) c'est une Copine virtuelle mais une vraie qui comme moi adore Marcel Proust , de préciser qu'elle l'avait même dans La Pléiade et qu'elle ne<br /> partait jamais sans lui !<br /> <br /> <br /> _ Roger : Marcel  c'est son mec ? elle n'est pas jalouse ? Proust c'est leur nom de famille ( le tout déclamé en lachant un pet très loin de tout contrepet ; faut dire que Roger , c'est un<br /> vrai , un ancien syndicaliste )<br /> <br /> <br /> moi : non , c'est celui qui a parlé d'une madelaine !<br /> <br /> <br /> - Roger : ha bon , car moi à part la Madelon pour me servir à boire je vois pas !<br /> <br /> <br /> ( du coup je n'ai même pas déclamé " longtemps etc etc etc ; j'ai bu mon café offert en les écoutant refaire le monde ; je voulais te le raconter , Clopine , c'est fait )<br />

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