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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 17:45

Mon jeune ami Stoni, marxiste léniniste, est un communiste à la sauce anar (sans le savoir, bien entendu). A savoir irréductiblement individualiste. Et ce n'est pas parce qu'à son âge (non, un peu plus jeune en fait), je vendais le Monde Libertaire rue du Gros Horloge que je dis cela. Mais pour avoir fréquenté peu ou prou un certain nombre de specimen, je peux certifier que si  l'anarchiste l'est, anarchiste, c'est parce qu'il est individualiste... 

 

C'est même justement ça le problème. Le discours anarchiste ou libertaire est l'un des plus pointus, des plus ambitieux politiquement, qui soit. Déjà, ni dieu ni maître, faut  arriver à bien intégrer cela ce que ça veut dire - parce que ça vous élimine tous les Staline au petit pied qui soit, et ça vous désatoyollise bien plus facilement qu'une cellule de banlieue du NPA... Mais ce discours naît, et est revendiqué par des gens d'une intelligence supérieure à la moyenne (enfin, moi ceux que j'ai rencontrés étaient souvent supérieurement intelligents), mais qui, par accident de la vie ou naissance défavorisée, se retrouvaient avoir été intégrés, d'une manière ou d'une autre, dans les couches les plus défavorisées de la société. Les autodidactes sont légion chez les anars...

 

 Leur intelligence aigue les empêche bien souvent d'avoir recours aux artifices qui permettent à leurs pairs de s'en sortir. L'exploitation éhontée de l'homme par l'homme est bien plus difficile à supporter quand on l'analyse, quand on sait précisément de quoi il retourne,  sans le recours à la passivité,  à  l'humilité, à   la croyance aux dieux du loto ou tout simplement à l'espoir de la clémence d'un petit chef. Eux savent que tout cela, c'est du pipeau...

 

La souffrance sociale étant encore exacerbée par la justesse de leur analyse, les anarchistes vivent ainsi dans une amertume qui est souvent palpable, en même temps que leur doctrine se veut la plus égalitaire et la plus universelle possible. Mais comment proposer l'abolition de l'autorité, du pouvoir, l'installation d'un fédéralisme ou d'une égalité "à chacun selon ses besoins", quand on vit justement au milieu de groupes sociaux qui ne demandent que cela, en fait, se soumettre à l'autorité, baver devant le pouvoir, s'aliéner en contrepartie d'espoirs fumeux, brumeux et incertains ? 

 

Tous les anars que j'ai connus me semblaient à la fois d'une logique dans l'analyse socio-politique qui justifiait leur combat, et en même temps désarmés devant l'énormité de leur situation, emplis presque d'aigreur. Le problème est dans le "si". Si tel anar, au discours implacable et particulièrement violent, avait eu la chance d'avoir, dans son berceau, l'héritage non pas seulement matériel mais surtout culturel qu'un Bourdieu décrit si bien, s'il avait pu s'épanouir sans la souffrance d'un déclassement ou d'un engluement social, serait-il si pointilleux, si injuste, et disons-le clairement, si mesquinement revanchard, quand il traîne (par exemple) un ONfray dans la boue au piteux motif que ce dernier conduit une mercedes ? 

 

Réclamer, non pas le partage strictement égalitaire de ressources de toute façon limitées, mais que le produit de la richesse intellectuelle soit accessible à tous, profitable à tous, et non engrangé par une seule classe sociale. C'est bien entendu bien plus facile à dire qu'à faire... Mais tout aussi acrobatique, quand son engagement, psychologiquement expliqué par une histoire ô combien individuelle, doit s'exprimer collectivement. Alors que c'est justement ce collectif qui blesse (ou qui a blessé dans leur enfance) mes potes anars, si souvent obligé de vivre parmi des crétins...

 

Bon allez, un peu de douceur pour tous. Faut bien continuer à vivre, nom de zeus. 

 

 

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commentaires

A
<br /> Bonsoir Clopine. Comme d'habitude, je lis votre billet avec du retard et je doute que vous y reveniez un jour. Mon commentaire se perdra dans la nuit des temps comme une sonde spatiale dépourvue<br /> de carburant.<br /> <br /> <br /> Votre anar serait né avec une cuillère d'argent dans la bouche, ou au moins avec un début de vie confortable raisonnablement, il y a quelque chance qu'il ne serait pas devenu anar. Ou alors,<br /> comme certains anars de ma connaissance, il serait devenus ce qui semble un oxymore à deux jambes, un anar de droite. A bien y regarder, ce n'est pas tout à fait un oxymore, l'individualisme<br /> exacerbé qui est le propre de la pensée anarchiste dérivant vite au cynisme de philosophie qui, je l'ai expliqué dans mes écrits, n'est finalement pas éloigné du cynisme de comportement.<br /> <br /> <br /> On peut donc être parfaitement anar de droite sur l'air de "ni Dieu ni maître", je fais ce que je veux et rien ne limitera ma liberté.<br /> <br /> <br /> L'anar pauvre, ou de condition modeste, poursuit quant à lui le rêve d'une société sans chef, sans lois, sans ordre, où chacun disposerait de quoi assurer ses besoins et où chacun donnerait ce<br /> qu'il est en mesure de donner. Il est facile de comprendre que cette poursuite aboutit presque toujours à l'aigreur. Il va se trouver confronté au refusdu monde où il vit, et là je ne parle pas<br /> des nantis, des repus qui écrasent le pauvre monde de leur suffisance et qui évidemment feront tout pour empêcher le pauvre anar de respirer, je parle des frères de notre anar, de ses collègues,<br /> de ses compagnons.<br /> <br /> <br /> Ils ne le suivent pas dans ses rêves, ils restent presque tous en arrière, et rêvent quant à eux, d'un pavillon, d'un gain au loto, d'un quart d'heure dans la télé, d'une mercedes; sa famille,<br /> ses amis, ses proches, tous plongés dans la servitude volontaire si bien décrite par La Boétie. Alors il se démène, argumente, colérise, tonitruonne, et chacun l'écoute et repart tête baissée et<br /> regard fuyant dans son petit atelier et sa petite auto.<br /> <br /> <br /> Que conclure? Je ne rejette pas l'anarchisme à cause de son côté irréalisable, ou en invoquant je ne sais quel réalisme résigné, en prétextant quelque impossibilité politique dans notre monde<br /> cruel. je le rejette au nom de toute ma réflexion philosophique sur la Cité, sur la Liberté, sur la vie collective. C'est le rejet du collectif par l'anarchiste qui me fait rejeter l'anarchisme.<br /> <br /> <br /> Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'anarchisme est parfaitement soluble dans la société tel qu'elle évolue actuellement (je parle de la nôtre), et en constitue un des ressorts.<br /> L'individualisme est né à la renaissance et s'est épanoui 200 ans plus tard pendant le siècle des lumières; Adam Smith est l'un de ses émules.<br /> <br /> <br /> C'est ainsi que qu'il est devenu (l'individualisme) un des principes fondamentaux de la société où nous vivons. Et nous voyons bien dans quel mur ce principe nous précipite, nous voyons<br /> aujourd'hui son vrai visage néfaste. L'anarchisme qui se veut son expression la plus radicale est de ce fait voué à l'échec, non parce qu'il est impossible, mais parce qu'il ne serait que<br /> l'aboutissement du pire que nous sommes en train de vivre dans notre monde d'aujourd'hui.<br /> <br /> <br /> Ce n'est pas un hasard que le reproche qu'il fait à Onfray soit sa marque de bagnole. Il est cohérent avec ses détestations, avec ses aigreurs, avec ses jalousies, et il se contente de les cacher<br /> en se drapant dans la noblesse d'un combat libertaire. Se souvenir de Saint-Just (ou de 'labbé Grégoire, je ne sais plus lequel a dit cela: entre le fort et le faible, c'est la loi qui libère et<br /> la liberté qui asservit.<br />
S
<br /> ah là je suis assez d'accord, je dis souvent que je suis un anarchiste refoulé !<br />

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